Maestria

Nom : Johner

Prénom : Cédric

Année de naissance : 31 décembre 1966

Profession : Horloger indépendant

PC: Qui êtes vous ? D’où venez-vous ?

CJ: Je suis un gars sympa de 54 ans qui aime la vie et les gens. Je suis de nature positive et me passionne pour tout ce qui m’entoure, j’aime vivre pleinement chaque instant.

Je suis né à Genève et suis artisan horloger indépendant depuis 30 ans.

PC: Quelle est votre définition de la passion ?

CJ: La passion est ce qui vous fait vibrer, vous procure des émotions fortes et vous anime quotidiennement.

PC: Quelle est votre passion ?

CJ: Ma passion est mon métier d’horloger indépendant, je crée et fabrique mes montres pour des clients qui souhaitent être eux-mêmes et s’affirmer en portant une de mes créations.

PC: Pouvez-vous nous expliquer votre passion ?

CJ: En tant qu’artisan horloger, je crée et fabrique mes montres en respectant les techniques artisanales anciennes. Je ne fais pas de dessins 3D sur ordinateur, je n’ai pas de machines automatiques gérées par ordinateur; j’utilise uniquement des outils traditionnels actionnés à la main, des anciennes machines. Je travaille directement la matière car je suis passionné par le maintien du savoir faire traditionnel et artisanal.

PC: Depuis quand êtes-vous passionné ?

CJ: Cette passion m’est venue à l’âge de treize ans. Avec mes parents nous avons rendu visite à un cousin de ma maman qui était joaillier et j’ai tout de suite su que je voulais faire ce métier. J’ai toujours aimé la minutie, bricoler avec mes mains. Mon père était électricien, il m’a transmis le sens de la débrouille, de toujours trouver une solution dans toutes situations.

Mon grand-père était quant à lui artisan boulanger et passionné de la vie. Sachant que je souhaitais faire une formation de joaillier, ce dernier m’a emmené l’année suivante visiter la foire de Bâle; j’avais quatorze ans, je suis rentré de cette journée avec des rêves plein la tête.

PC: Comment l’êtes-vous devenu ?

CJ: A l’âge de quinze ans j’ai commencé mon apprentissage de joaillier pendant quatre ans chez Chopard, c’était en 1982. Après ma formation j’ai travaillé dans différents ateliers et ensuite je me suis installé comme indépendant à l’âge de 24 ans.

Mon métier de joaillier m’a permis de réaliser des bijoux incroyables comme des parures composées de collier, bracelet, bague et boucles d’oreilles couvertes de pierres précieuses où la priorité était que tout soit agréable à porter et repose parfaitement sur les différentes parties du corps.  Je suis passionné par les nouveaux projets, les défis. J’ai réalisé également des éléments que l’on appelle « habillage » comme des boîtiers de montres, des bracelets de montres en or parfois sertis de diamants. En réalisant ces travaux cela m’a approché de l’horlogerie, je suis devenu passionné par ce deuxième métier. Etant une personne qui souhaite connaître le maximum de choses liées à mon métier de joaillier je me suis passionné pour l’horlogerie et me suis inscrit pour une formation en cours du soir à l’école d’horlogerie de Genève. J’étais déjà indépendant et je peux vous dire que les journées étaient longues mais ne dit-on pas que, quand aime on ne compte pas ! 

Cédric Johner – Abyss Sertie

PC: Avez-vous une anecdote liée à votre passion ?

CJ: Il va falloir que je pense à écrire un livre d’anecdotes tant elles sont nombreuses mais celle ci est la toute première.

En 1997 je crée une forme de montre qui n’avait jamais existé. Je décide de réaliser mes quatre premières montres, je pars avec un ami à la foire de Bâle et mes quatre montres dans mes poches. Je n’avais pas d’emplacement pour exposer, pas de rendez-vous, je ne connaissais personne, j’espérais simplement rencontrer des personnes susceptibles d’être intéressées par mes montres. Nous avons arpenté les longs couloirs de l’exposition pendant quelques jours mais sans succès. Un soir « nous nous sommes invités » dans un cocktail lors d’une soirée ou un journal spécialisé remettait des prix à différentes marques horlogères très connues. Lors de la soirée, un verre à la main, je rencontre un journaliste américain qui me demande ce que je fais dans la vie et lui parle de mes créations qui étaient au fond de mes poches. Je lui en présente une au milieu de tout le monde; ni une ni deux il me demande si je suis distribué aux USA…..je n’avais encore jamais vendu une seule montre….et me dis, attends je vais chercher un ami. Quelques minutes plus tard il me présente une personne qui était en train de créer un showroom à New York; ce dernier regarde mes montres, il n’en revient pas, il n’avait jamais vu cette forme de montre! Il me demande les prix et me dit OK je prends ces deux là. On s’est retrouvé le lendemain dans un café, il m’a payé les deux montres, les a mis dans sa poche et il est parti. Trois mois plus tard il me commandait dix montres et m’invitait à New York pour l’inauguration de son showroom…J’avais l’impression d’avoir gagné le Grand Prix de Monaco avec trois tours d’avance sur tout le monde mais ce n’était qu’une impression car la course commençait à peine.

PC: Comment est-ce que vous cultivez votre passion ?

CJ: Au quotidien, par mes réalisations, j’essaye de créer des formes et des décorations différentes. Je regarde tout ce qui m’entoure, un arbre, une affiche, un oiseau, un nuage, tout est source d’inspiration quand on est passionné. Cette année je veux marquer mes 30 ans d’indépendance et je suis en train de réaliser une première montre que je limite à 30 exemplaires, pas un de plus. Cette montre est le reflet de toute ma passion, de toute mon expérience d’indépendant mais elle est plus que ça, elle porte en elle toute ma passion depuis ce jour de septembre 1982 où je me suis assis pour la première fois devant un établi à l’âge de 15 ans.

PC: Pouvez-vous nous raconter un moment fort lié à votre passion ?

CJ: Il y a quelques années j’avais une envie folle de créer et réaliser une montre dans le métal le plus noble à mes yeux, le Platine. Je souhaitais réaliser un mécanisme avec une des plus belles complications, la répétition minutes, y ajouter un calendrier perpétuel et embellir tout cela par une décoration incroyable du mécanisme ainsi qu’un travail de gravure du boîtier en Platine.

Bien entendu tout ça réalisé de façon artisanale et traditionnelle, c’était très ambitieux surtout que je n’avais pas de commande pour cette montre, c’était une pure création.

Le projet m’a pris deux ans de travail et le résultat était incroyable. J’étais vraiment satisfait, cette montre était même au delà de mon idée initiale et je l’ai appelée « Maestria »

J’ai fait faire des prises de vue par mon photographe préféré et j’ai contacté un ami à Singapour pour lui parler de cette montre. Il a vu les photos et m’a dit, viens dans quinze jours à Hong Kong, j’ai peut-être un client pour toi.

Quinze jours plus tard je me suis retrouvé à Hong Kong, le client a vu la montre et en 10 minutes il a décidé de l’acheter. Deux ans de travail pour la réaliser et 10 minutes pour la vendre…ça ne m’était jamais arrivé, c’est un souvenir incroyable. 

PC: Est-ce que vous désirez transmettre cette passion ?

CJ: La transmission de sa passion est primordiale pour perpétuer le savoir-faire. En outre, sans objectifs de transmission, tout cela serait très égoïste.

J’ai été très actif pendant dix-sept ans comme commissaire d’apprentissage, expert pour les examens des apprentis et président de la commission d’apprentissage des métiers de la joaillerie et de l’horlogerie, ensuite je me suis retiré pour me concentrer sur mon activité professionnelle qui me prenait beaucoup de temps. Maintenant j’accueille des jeunes gens pour une journée de stage découverte et j’essaye de les orienter avec passion dans leurs envies professionnelles. 

PC: Avez-vous des modèles/icônes dans votre passion ? Et pourquoi eux/elles ?

CJ: J’ai fait mes écoles primaires dans le quartier de St-Jean à Genève et il y avait la maison Gerald Genta.

Monsieur Genta était à l’origine un joaillier, designer. Il a dessiné des montres pour des grandes marques, ses créations sont devenues des modèles iconiques.

Il a également développé sa marque d’horlogerie et ses modèles étaient très inspirés de la joaillerie. J’ai toujours été en admiration par son travail depuis mon plus jeune âge.

Après quelques années d’indépendance j’ai été ébahi quand la maison Genta m’a appelé pour me demander de réaliser une série limitée de dix montres en Platine que Monsieur Genta avait dessinées. Après la livraison, Monsieur Genta m’a fait part de ses compliments pour mon travail et cela restera gravé à jamais dans ma mémoire.  

PC: Quelles sont vos 3 réalisations préférées (dans le cadre de votre passion) ?

CJ: La toute première montre à tourbillon que j’ai réalisée, c’était en 2000 c’est le modèle « Abyss 2080/4 » en Platine où le mécanisme est entièrement guilloché.

La première montre que j’ai réalisée en Bronze, c’était en 2018 : je souhaitais obtenir une couleur brune incroyable. Cela a été possible grâce une technique ancienne de patine utilisée à l’époque de Rodin, j’ai appelé cette montre « Sculpture »

Et bien entendu la montre « Maestria » qui a été ma plus grande réalisation à ce jour. Deux ans de travail artisanal, un vrai condensé de savoir faire et de passion.

1 commentaire pour “Maestria”

  1. Bravo ancien voisin….Chênois pour ce parcours, cela me rappelle tes début à la veille de la foire de Bâle avec des emboitages périlleux et heures tardives en 1998.

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